[Critique] Death Note de Netflix : une adaptation frustrante
Le film Death Note est sorti, et est très loin de faire l’unanimité. Après visionnage, il semble préférable de séparer cet article en deux. Il sera donc constitué d’une partie considérant le film en tant que tel, et d’une autre s’attardant sur ses qualités en termes d’adaptation. Et sur ses défauts, surtout.
Ça y est, le Death Note de Netflix est sorti, le 25 août dernier. Ce film était attendu pour plusieurs raisons : il est l’adaptation d’un manga culte de Tsugumi Oba et de Takeshi Obata, et il est l’une des plus grosses productions jamais conçues par Netflix (environ 50 millions de dollars de budget). Plusieurs points nous rassuraient, tandis que d’autres nous faisaient plutôt peur.
[Critique] Death Note de Netflix : une adaptation des plus frustrantes
Tout d’abord, Tsugumi Oba et de Takeshi Obata en ont dit du bien, et c’est toujours une bonne chose quand les créateurs d’un phénomène comme celui-là approuvent les adaptations de leur œuvre. Ensuite, Willem Dafoe pour incarner Ryuk est peut-être l’un des choix les plus évidents de ces dernières années. Ce qui effrayait en revanche étaient les bandes-annonces, centrées sur l’action, et la durée du film : 1h33.
Un film n’a bien entendu pas besoin d’être long pour être bon, mais quand il est question d’adapter une œuvre aussi dense, il est préférable d’avoir le temps de tout (bien) raconter. Quant au synopsis…
Vous ne rêvez pas, ceci était à la sortie du film le synopsis présent sur la page d’accueil de Netflix… Référons-nous donc plutôt à celui présent sur la page du film :
Quand Light Turner utilise son cahier surnaturel pour faire justice lui-même, il attire l’attention d’un détective, d’un démon et d’une fille de sa classe.
Bon admettons, même si Ryuk apparait en réalité avant que Light n’utilise le cahier… Bref, parlons tout d’abord de Death Note en tant que film, puis de ce qu’il vaut en tant qu’adaptation.
Un film qui divertit mais ne convainc jamais
L’un des plus gros problèmes du film est la gestion de ses personnages. Light Turner ne semble pas animé par une volonté propre : son premier meurtre est dicté par Ryuk, qui lui explique ce qu’il pourrait faire avec le cahier, le second est une vengeance pure et simple, et les suivants surviennent alors que Mia est déjà impliquée.
Light est un élève doué mais le sujet est évoqué trop rapidement, il se fait marcher dessus le reste du temps. Mia quant à elle apparait finalement comme étant complètement folle, et son état d’esprit change quant le scénario en a besoin. Ryuk risque de diviser : certains points de sa personnalité risquent de provoquer un ulcère chez les fans, mais on ne peut nier qu’il est bien interprété. Son design a été légèrement revu mais il conserve son aura si spéciale.
Et bonus sympathique pour les adeptes de la VF, il s’agit de la même voix que dans l’anime. L de son côté est plus que surprenant. Là encore, sa personnalité est à des lieues de celle du manga, ce qui le fait apparaitre bien plus humain, émotif et touchant. Pourquoi pas.
Visuellement, le film est loin d’être hideux. La lumière est notamment bien gérée et les effets spéciaux ne détonnent pas avec le reste. Le réalisateur Adam Wingard (You’re Next, Blair Witch) aime visiblement beaucoup la pluie et les néons mais déteste tenir sa caméra droite : de nombreux plans débullés sont utilisés sans que cela ne soit particulièrement nécessaire. Quelques effets bien gores sont également présents, mais ils sont très peu utiles.
Un point très étonnant est la bande-son utilisée : drastiquement différente de celle utilisée dans l’anime, elle est ici composée de synthétiseurs qui accompagnent étrangement bien l’action. On a parfois plus l’impression d’écouter la bande-originale d’une œuvre cyberpunk, mais pourquoi pas. Par contre, que dire quand le refrain de “I don’t wanna live without your love” de Chicago retentit lors d’une scène qui aurait été bien plus efficace silencieuse ?
Parfois thriller d’enquête (la portion impliquant Watari), parfois comédie, parfois romance/teen-movie… Le film ne semble jamais savoir où se placer, à l’image de son générique en mode making-of où tout le monde rigole bien. Choix étrange s’il en est.
Le film n’est en revanche jamais ennuyeux (sauf lors de la course-poursuite la plus longue et inutile de tous les temps), il se suit avec un certain intérêt de par la nature même de son pitch de départ : le principe même de pouvoir tuer en écrivant dans un cahier est en effet attrayant… mais le film ne propose rien de plus.
Une adaptation qui manque le coche
Difficile de juger un tel film quand on est fan de l’œuvre originale. D’autant que pour le coup, ce n’est tout simplement pas une bonne adaptation. On aurait aimé assister à une histoire complexe et prenante, un duel psychologique de haute-volée, mais il n’en est rien, on a plutôt l’impression que quelqu’un a pioché des éléments du manga au hasard.
Les agents de police qui suivent les personnes liées de près aux enquêteurs, la romance entre Light et Mia, L qui confronte Light face à face passe encore… Mais y avait-il besoin d’y rajouter le mystère entourant l’enfance de L, et de nouvelles règles pour le cahier ? Probablement pas, surtout quand cette règle est utilisée en tant que Deus-Ex Machina que l’on voit venir de très loin. Et que dire de cette ultime incohérence, où écrire un nom sans le prénom (ou l’inverse ?) permet tout de même de tuer quelqu’un ?
Light n’est motivé que par les autres et n’aurait peut-être jamais mis au point son plan sans quelqu’un pour le lui souffler à l’oreille… Ryuk l’incite à tuer alors qu’il devrait rester en retrait… Des changements bien difficiles à avaler pour les fans. Mia vire de personnalité en cours de film et la relation entre elle et Light perturbe, tant elle se base finalement sur peu d’éléments.
Le film réussit tout de même par endroits à surprendre en bien : la relation entre Watari et L est très intéressante, et l’on peut avoir de l’empathie assez tôt pour ce nouveau L bien différent de celui que l’on connait. Le fan hardcore risque malgré tout de voir d’un mauvais œil ce personnage qui n’est finalement pas vraiment L… mais reste le personnage le mieux interprété de tous.
Restent donc quelques bonnes idées, comme cette nouvelle personnalité pour L, certaines scènes joliment filmées, ou encore cette scène où un adepte aide Light alors acculé. Mais au-delà de ça, rien ne sauve vraiment le film. Une série aurait été bien plus adaptée… Passer d’un L qui annonce qu’il va trouver Kira à un L qui confronte Kira physiquement en à peine 12 minutes, ça ne laisse que très peu de place à la partie d’échecs que l’on aurait aimé voir.
Ce film Death Note se laisse donc regarder sans jamais être ennuyeux, mais son intérêt est très limité, et il se montrera frustrant avant tout, ne faisant que survoler les thèmes chers à à l’œuvre originale. Au final, il donnera envie aux fans de revoir l’anime lui aussi disponible sur la plateforme. Ou bien le manga. Espérons donc qu’il donne également envie aux néophytes de s’intéresser à cette œuvre culte, car c’est là son plus grand intérêt.