Fusion nucléaire : un réacteur concurrent d’ITER semble tout près du but Par Romain Bonnemaison le 9 décembre 2016 Un nouveau type de réacteur à fusion nucléaire, le stellarator Wendelstein 7-X a été allumé en Allemagne. Et les premiers tests semblent concluants, ouvrant la voie à des modifications de la machine permettant de maintenir le plasma au-delà de quelques secondes. Si l’équipe allemande réussit, cela signifie peut-être qu’il sera bientôt possible de produire de l’énergie propre dans des quantités virtuellement illimitées. Connaissez-vous la différence entre la fusion et la fission nucléaire ? La fission, c’est le phénomène que l’on utilise dans les réacteurs nucléaires actuels. Cela nécessite d’enrichir de l’uranium de manière à obtenir une concentration suffisante de 238U pour en faire un combustible. Qui servira au bout du compte à chauffer de l’eau pour générer de l’énergie. La fission génère de la chaleur en cassant les gros atomes de cet isotope de l’uranium. Le problème, c’est que la réaction en chaîne qui produit cette chaleur est très dangereuse, et peut s’emballer avec des conséquences catastrophiques. Surtout, si ça arrive, de vastes quantités d’éléments radioactifs sont libérés. Cette industrie produit également beaucoup de déchets dont on ne sais pas bien quoi faire, bien qu’ils devraient rester radioactifs pendant des milliers voire des millions d’années pour certains. La fusion vise à créer de l’énergie en utilisant une approche complètement opposée. On prend des éléments légers (par exemple de l’hydrogène) pour en fabriquer de plus lourds (de l’hélium 4). Faite correctement, cette réaction ne produit pas d’isotopes radioactifs. Surtout, en cas de problème, pas de réaction en chaîne. La fusion s’arrête. En prime pas besoin d’enrichissement : un procédé détourné par certains États pour produire le plutonium des bombes nucléaires. La fusion nucléaire, cette énergie d’avenir si difficile à maîtriser En outre, la fusion peut produire beaucoup plus de chaleur avec beaucoup moins de matière première. Pour vous donner une idée, lors de la fusion, la masse de l’atome d’hélium 4 qui en résulte est plus légère que celle des deux atomes d’hydrogène qui ont servi à la fabriquer. Cette masse ne disparaît pas : elle se transforme en chaleur. À partir de là, le reste tient toujours de la bouilloire high-tech. La vapeur est transformée en énergie dans un générateur. David Gates, l’un des chercheurs qui gère le projet W7-X explique : La source du combustible se trouve dans l’eau de mer dans des quantités suffisantes pour durer des dizaines de milliers d’années et le déchet produit est l’hélium, un gaz inerte. Un réacteur de fusion nucléaire viable fournirait une ressource abondante d’énergie, sûre et bénigne du point de vue de l’environnement pour toutes les nations. Pas de déchets radioactifs, pas de prolifération d’armes nucléaires, pas de risques d’accident désastreux comme Tchernobyl et Fukushima et une efficacité dans la production d’énergie imbattable ? On comprend que la communauté scientifique place beaucoup d’espoir dans cette nouvelle manière de produire de l’énergie. Mais là où faire fusionner des atomes semble idéal sur le papier, la réalité est d’une incroyable complexité. On a plusieurs approches : les américains et leur laser mégajoules, censé confiner la matière fusible dans un tout petit espace. Le projet international ITER, probablement le mieux doté financièrement et qui ambitionne de confiner du plasma d’hydrogène dans une structure toroïdale appelée tokamak. Enfin, il y a le stellarator Wendelstein 7-X des chercheurs allemands en collaboration avec des chercheurs de Princeton (USA). Et si le Wendelstein 7-X allemand réussissait avant le projet international ITER ? Celui-ci a aussi une structure toroïdale. Mais la manière dont il confine le plasma qui peut atteindre 80 millions de degrés est différente d’ITER. La machine utilise pour cela un enchevêtrement complexe d’électroaimants supraconducteurs refroidis à des températures proches du zéro absolu. Leur forme est particulièrement étrange et compliquée à fabriquer, mais d’une autre côté, elle permet de mieux corriger les fluctuations du plasma confiné. On est en effet dans des conditions telles qu’on les trouve à l’intérieur du soleil par exemple. Si le plasma à 80 millions de degré touche la paroi, perdu ! Le jouet est cassé… Cela étant après des années de construction ils ont pu allumer le Wendelstein 7-X, et constater avec de l’hélium pendant 1/10e de secondes que jusqu’ici tout va bien. Ce qui a fait l’objet d’une publication. À lire : Cette batterie radioactive donnerait 12 ans d’autonomie à nos smartphones L’hélium est plus facile à contrôler dans ce type de machine, mais ne permet pas de produire plus d’énergie que les électroaimants de la machine n’en consomme. En février prochain, les chercheurs allemands vont donc essayer avec de l’hydrogène. L’étape suivante ? Modifier la machine pour tenir le confinement pendant une dizaine de secondes et peut-être produire un peu d’électricité. Article précédent Ok Google : comment calcule-t-on la vitesse de la lumière ? décembre 7, 2016 Article suivant Certains singes seraient très près de pouvoir parler comme les humains décembre 15, 2016